Avec plaisir l’Association culturelle d’Aigueperse a pu reprendre samedi 25 septembre ses habitudes des conférences publiques aiguepersoises. Cette fois, les auditeurs s’intéressèrent à la guerre de 1870-71, une période assez méconnue de l’histoire de France comme l’indiquait le titre proposé par l’orateur, Guy Rousseau, docteur en Histoire, professeur honoraire des classes préparatoires du Lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand.

Initialement programmée en mars 2020, cette présentation devait servir d’introduction au voyage de printemps 2020 préparé par l’ACAE en Alsace et Lorraine. Tout fut déprogrammée. Nous étions à l’époque confinés… !

Mais, les circonstances sanitaires se sont depuis améliorées et c’est ainsi que l’auditoire de la halle aux blés put approfondir ses connaissances sur les origines du conflit, sur les spécificités des armées en présence et sur le tournant majeur que cette guerre représenta pour l’Histoire de la France.


Une surprise complète

Au printemps 1870, on peut dire que rien ne présageait la venue d’un changement aussi capital pour la vie de notre pays. En quelques semaines, l’Empire s’effondra et, sur ses cendres, la République, la IIIème, vit le jour. Quel retournement ! Qu’on en juge : dans un manuscrit récemment découvert, Jules Verne lui-même n’imaginait-il pas qu’au XXe siècle, un Napoléon VI (!) allait régner sur l’Empire français… Ce grand auteur pourtant considéré comme un extraordinaire visionnaire avec les voyages qu’il annonçait autour de la Terre, sous les mers ou autour de la Lune, n’avait pas vu un changement de régime politique aussi proche.

Le principal élément déclencheur de ce bouleversement débute lorsque le gouvernement d’Espagne propose au prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen, de la branche catholique des  Hohenzollern, la famille régnante de Prusse, de présenter sa candidature à la couronne d’Espagne. Devant la montée des tensions diplomatiques, celui-ci retire sa candidature le 12 juillet 1870. Cherchant une clarification, l’ambassadeur de France, Benedetti, est reçu de manière impromptue par le roi de Prusse à Ems le 13 juillet. Alors que les relations entre les deux États semblent apaisées, le chancelier-président Otto von Bismarck présenta un récit tronqué de cette entrevue qui laissait entendre une humiliation de l’ambassadeur (la « dépêche d’Ems »). Après débats au Palais Bourbon, le Corps législatif vote en faveur de la guerre et celle-ci est déclarée à la Prusse le 19 juillet 1870. Face à cette situation, les traités d’alliance de la Prusse la renforcent par l’entrée en guerre de la confédération de l’Allemagne du Nord et par les États allemands du Sud.

La guerre

Très vite, le déséquilibre des forces en présence se fait sentir. L’armée française n’est pas prête. Le tirage au sort des appelés est toujours en vigueur et les réservistes ne sont pas assez nombreux. L’armée française compte moins de 300 000 hommes au début du conflit contre 800 000 pour l’ensemble des États allemands, qui de plus sont disciplinés, instruits et entraînés. L’armement est convenable avec, face à la faiblesse des fusils allemands, le Chassepot français qui se charge par la culasse et non plus par le canon, ce qui entraîne un gain de temps lors des batailles.

De même, la logistique française n’est pas au point. Lors de la mobilisation, on voit un général français qui envoie même un télégramme pour signaler qu’il a perdu son régiment… Autre exemple de l’impréparation, l’État-major français avait prévu une invasion par les armées françaises des États allemands du Sud. Tous les régiments possédaient donc des cartes très précises de ces régions. Malheureusement, une invasion de la France n’avait pas été anticipées et combattre sur notre territoire, les armées françaises ne disposaient pas de bonnes cartes.

Napoléon III laisse la présidence du gouvernement français à Paris à son épouse et dirige la guerre en personne jusqu’au 7 août 1870. La déroute française est rapide. Le maréchal Bazaine, après les défaire de Saint-Privat et Gravelotte, retire son armée sur Metz où elle est encerclée dès le 20 août. Strasbourg aussi est assiégée, ainsi que Belfort, ville qui résistera, tenue par le colonel Denfert-Rochereau.

Le 2 septembre, à Sedan, Napoléon III capitule, mais seulement en son propre nom, pas au nom de la France, mais cette capitulation provoque immédiatement un soulèvement populaire à Paris, la chute du Second Empire et la proclamation de la République, le 4 septembre 1870. Un gouvernement provisoire est installé.

Les armées allemandes encerclent Paris. Le siège de Paris dure du 17 septembre 1870 au 26 janvier 1871. L’État-major allemand s’est installé à Versailles. Les  moyens de communication de Paris avec la province sont les pigeons voyageurs et les montgolfières. Paris est privé de ravitaillement alors que la guerre se poursuit aussi pendant l’hiver. Avec le siège de Paris, les disparités sociales se font beaucoup sentir. Les riches mangent dans Paris, mais pas les pauvres meurent de faim et de maladie (10.000 morts).

Léon Gambetta quitte Paris en ballon monté le 7 octobre 1870 en vue d’organiser la défense nationale et rejoint Tours le 9 octobre d’où il organise la résistance s’appuyant sur un mouvement patriotique touchant tous les milieux politiques et même au-delà des frontières (Danemark, Chemises rouges italiennes de Garibaldi). Il reconstitue trois armées : l’armée du Nord, l’armée de la Loire et l’armée de l’Est. Une quatrième armée, l’armée des Vosges était formée majoritairement de soldats étrangers s’étant mis au service de la France. Ces armées combattent sur différents fronts. Cette guerre se caractérise par son manque de lignes de front claires. Des volontaires s’engagent, des bataillons de « mobiles » de la Garde nationale  appuient les territoriaux face à l’ennemi, des francs-tireurs harcelèrent les arrières de l’armée allemande. Mais, faute de cadres, d’équipement et de formation militaire suffisants, ces volontaires ne sont pas en mesure de vaincre les troupes allemandes aguerries.

Le 19 octobre 1870, à Metz, le maréchal Bazaine capitule à son tour, livrant aux Prussiens 170 000 à 180 000 soldats affaiblis, 1 660 canons, 278 000 fusils. Le 20 janvier 1871, le gouvernement de la Défense nationale demande l’armistice.

Les conséquences de la guerre

Au plan militaire, il y a 140.000 morts côté français, ce qui est beaucoup sur une si courte période. 51 000 côté allemand. Il y a aussi 500.000 prisonniers de guerre français et seulement 35.000 allemands. C’est la dernière guerre avec des charges de cavalerie.

En peu de temps, la France voit défiler tous les régimes politiques : l’Empire, la Commune, la République.

L’Alsace et la Lorraine sont perdues, un déshonneur de cette toute jeune République.

Le service militaire qui ne fonctionnera pleinement qu’en 1905, va être mis en place pour tous. Les lois Ferry pour l’instruction obligatoire vont aussi permettre de rattraper le retard français par rapport à l’Allemagne en renforcement parmi les jeunes élèves le sentiment d’appartenir à la même nation et celui de la nécessité de reprendre les provinces perdues.

Cette guerre est la première qui fait l’objet de commémorations. Le Souvenir français est créé. Des monuments aux morts de 1870 sont dressés (comme à Riom, Gannat, Effiat).

Les relations en la France et l’Allemagne sont coupées, les jalons de la Première Guerre mondiale sont mis en place.

Olivier Paradis remercia l’orateur et leva la séance à 19h15.

 

 


Prochaine conférence : jeudi 30 septembre à 17h30 à la halle aux blés (voir sur ce site).

Texte : N. Moulin ; photos : Sparsae, droits réservés.
Lundi 27 septembre 2021