LES RÉSISTANCES EN AUVERGNE – 1943-1944 conférence de Françoise Fernandez – compte-rendu
Pour son cycle de commémoration des 80 ans de l’armistice de 1945, l’Association culturelle
d’Aigueperse et ses environs a invité le mardi 29 avril, Françoise Fernandez, historienne retraitée de l’Éducation nationale, ancienne directrice adjointe de l’IUFM de Clermont-Ferrand. Une centaine d’auditeurs étaient présents pour une conférence intitulée « Résistances en Auvergne 1943-1944 ».

Depuis de nombreuses années, Françoise Fernandez effectue des recherches, recueille des témoignages et réactive la Mémoire de la Seconde Guerre mondiale au niveau locale. Elle s’occupe aussi de la muséographie du musée du Mont Mouchet depuis 1988.
Françoise Fernandez a débuté son exposé en différenciant « libération » et « capitulation ». L’Auvergne fut libérée fin août 1944 mais, pour leur libération, l’Alsace, Saint-Nazaire et Royan devront attendre la capitulation nazi le 8 mai 1945.
La Libération a mis du temps. D’autre part, deux familles politiques opposés ont écrit deux
discours de la Résistance, les gaullistes et les communistes. Ces récits ont mis en exergue des héros et des héroïnes, des faits d’armes mais ont également omis les éléments peu glorieux.
Chaque époque a mis en exergue un héros comme Jean Moulin en 1962 ou plus récemment Joséphine Backer. Cela était nécessaire pour reconstruire le pays et enterrer les rancœurs.
Mais en 1972, Robert Paxton publie son ouvrage La France de Vichy qui dévoile la réalité occultée par les mythes construits. Entre 1940 et 1944, la France libre était un régime réactionnaire, anti-républicain et discriminatoire sur le plan religieux et politique.
Françoise Fernandez a aussi rendu hommage à Eugène Martres, dont les obsèques avaient lieu le même jour que la conférence à Albepierre. Il était professeur d’histoire et le correspondant du comité d’histoire de la Seconde guerre mondiale du département du Cantal. Sa connaissance de la zone R6 (les 4 départements auvergnats) était extraordinaire. Elle a aussi rendu hommage à Gilles Lévy, auteur de À nous l’Auvergne et à Aline Fryszman et Christophe Grégoire, qui continuent ce travail de mémoire. Elle a également mentionné Marie-Anne Barnier, avec laquelle elle a travaillé sur les prisonniers politiques de la Maison d’arrêt de Riom.
En parcourant le sommaire du Sparsae n°95, Françoise Fernandez a souligné combien l’étude de la micro-histoire était quelque chose d’indispensable à raccrocher à l’Histoire en général. En lisant la fin de l’avant-propos, elle a apprécié le fait que nous ayons fait ce choix et que nous le disions l’a marqué. Nous avons fait le choix du héros du quotidien.

En projetant l’image d’une carte de la division politique de la France de juin 1940, la conférencière rappelle un fait : Aigueperse se trouve en zone libre et est proche géographiquement de la ville de Vichy. Les arrestations qui auront lieu dans le secteur seront décidées par le SD de Vichy et non celui de Clermont-Ferrand. De même, les prisonniers sont transférés à Moulins et non à la prison du 92. La zone ne sera occupée qu’à partir du débarquement Afrique du Nord en novembre 1942 alors que Paris est tenu par l’armée allemande depuis l’été 1940 et le littoral est même classé « zone interdite ».
La « Révolution Nationale » du Maréchal Pétain s’appuie sur la paysannerie. La perte de confiance en ce personnage s’avérera progressive. Elle intervient surtout quand, alors que les prisonniers de guerre ne sont pas rentrés, il est demandé à leurs fils d’aller travailler en Allemagne, les STO. Le basculement en Auvergne intervient au printemps 1943 et le mouvement reste ambigu. En apparence, on est pour Pétain, que l’on peut croiser vers Vichy en chair et en os, mais, en parallèle, on cache des STO et on refuse d’obéir à ses ordres, à ses injonctions qui paraissent insupportables. Ce sera le cas du gendarme Veyssières, du colonel Robin et de tant d’autres. Souvent, on retrouve parmi eux des instituteurs, des curés, les
secrétaires de mairie, les médecins, les religieuses et les gendarmes.
Prendre le maquis se limita au début à quelques hommes qui se cachaient dans la nature. L’Auvergne était bien le terrain idéal pour cela, car ils pouvaient fuir de tout côté. Souvent, les cachettes étaient dans la montagne, il y avait un relais à mi-pente et ils faisaient des « coups » dans la plaine. Françoise Fernandez a ensuite repris l’inventaire des armes décrit par Manuel Rispal pour le maquis d’Isserteaux. Grâce aux parachutages, ils ont 86 pistolets-mitrailleurs STEN, 360 chargeurs, c’est peu, 75 pistolets souvent volés aux gendarmes et des fusils de chasse. Pour le reste, notamment les blousons, ils se servent dans les Chantiers de jeunesse de Courpière ou Châtel-Guyon. Mais les conditions de vie vont se durcir en hiver, impossible de faire du feu dans les burons, au risque de se faire repérer.
En juin 1944, beaucoup de « pêcheurs à la ligne » descendent dans le Cantal. Les Résistants sédentaires sont incités à se regrouper au Mont Mouchet. On leur met un brassard, en espérant que les lois de la guerre seront respectées… Entre le 10 et le 20 juin 1944, le Mont Mouchet est pris en tenaille, le réduit de la Truyère est bombardé, les fermes, les villages sont pillés. Il y aura 250 morts côté français et 160 blessés et 30 morts côté allemand et 60 blessés. Par la suite, les actions ponctuelles seront privilégiées comme les sabotages de ponts, de routes, de voies ferrées…
Le 13 août 1944, les différents maquis d’obédience opposés (gaullistes et communistes) vont unir leurs efforts pour libérer les prisonniers de la maison d’arrêt de Riom. Un dernier convoi de déportés est prévu et certains peuvent être fusillés. Le succès de cette opération est aussi dû à la complicité des gendarmes. Les gardiens de la prison préviennent discrètement les prisonniers : « Ce soir, ne vous déshabillez pas cette nuit et gardez vos chaussures ». Cette information aurait pu pourtant être un piège annonçant une mauvaise nouvelle pour le lendemain. La libération se fait en 20 minutes. Les prisonniers sont méfiants. Mme Jarle, de Riom, refuse de sortir, son fils venu parmi les Résistants enlève sa cagoule pour qu’elle le reconnaisse et accepte de s’enfuir. Mais d’autres ne voudront pas être libérés, l’extérieur de la prison leur semble encore plus dangereux…
Cette conférence fut aussi un moment pour rendre hommage aux femmes dont on fête cette année le 80e anniversaire du droit de vote. Le cas de Mme Martinon qui tenait l’Hôtel du commerce de Volvic. Elle fut arrêtée en mars 1944 avec son mari et ses fils. Libérée, quand elle rentra chez elle ce fut pour constater que l’hôtel avait été incendié. Elle ne se plaignait pas. Et pourtant…

Françoise Fernandez termina son exposé en projetant la photographie de Renée Lafond, alias « Nicole », agent de liaison et secrétaire de mairie à Massiac. Le 3 septembre 1945, elle défila sur un char dans sa ville, vêtue d’une robe blanche, arborant l’écharpe tricolore du maire, un drapeau français flottant derrière elle, coiffée d’un bonnet phrygien et entouré de deux fillettes, habillées l’une en Alsacienne, l’autre en Auvergnate. C’était cela le but de la Résistance, remettre en place la République et afficher ses symboles.
Olivier Paradis, président de l’ACAE, remercia Françoise Fernandez et, sous des applaudissements fournis, lui remit un sachet de pralines d’Aigueperse avant de partager avec le public le verre de l’amitié.

Françoise Fernandez et Olivier Paradis
04/05/25