Le petit patrimoine a des choses à nous raconter mais souvent, nous passons à côté sans le voir. Les cabanes de vignes, les croix, les fontaines, les lavoirs, les statuettes ont tous une histoire.

Au bord de la route entre Glénat et Artonne, se trouve une croix. Elle est appelée la croix de la Croze, du nom de ce chemin ancien. En venant d’Artonne, elle est placée sur la droite. Elle est destinée à être aperçue de loin, mais il est intéressant de s’en approcher. Elle porte une inscription orientée vers le passant venant d’Artonne.

De haut en bas, on voit d’abord un cœur gravé au croisement des bras de la croix, puis une prière à la base du fût et enfin une énorme inscription sur le socle.

La prière inscrite à la base du fût est un extrait des Litanies du Sacré-Cœur de Jésus.

CŒUR SACRE DE JESUS AYEZ PITIE DE NOUS

On peut remarquer qu’il manque le R du mot « cœur ».

Le cœur gravé au centre de la croix correspond donc à cette dévotion ; il est à la place du cœur de Jésus cloué sur la croix.

La fête du Sacré-Cœur est célébrée trois semaines après la Pentecôte. Son inspiratrice est sainte Marguerite Marie Alacoque, décédée à Paray-le-Monial en 1690. Au cours de sa vie, elle a eu des visions du Christ qui lui montrait son cœur, symbole d’amour.

Cette croix est contemporaine de la construction de la basilique du Sacré-Cœur à Paris. La dévotion au Sacré-Cœur est en pleine expansion en France dans les années 1870 et 1880.

LES INSCRIPTIONS

Les inscriptions les plus visibles sont celles gravées sur le socle :

DON DE QUIENTIENNE SOUILLER EPOUSE DE JOSEPH DESNIER DE GLENAT FILLE DE PIERRE SOUILLER TAILLEUR DE PIERRE A CHAPTUZAT 1883

Quintienne Soulier est née en 1808 à Chaptuzat, lieu qui, à l’époque, appartient à la commune d’Aigueperse. Son prénom est le féminin de Quintien, le saint patron d’Aigueperse. Elle est la fille de Pierre Soulier, décédé le 15 mai 1816 et de Marie (Quintienne) Dauge, décédée le 16 août 1827. En 1829, son frère, Pierre Soulier est tailleur de pierre à Chaptuzat, comme l’était leur père. Il sait lire et écrire.

À 21 ans, Quintienne épouse à Chaptuzat, le 22 juin 1829, Joseph Desnier, cultivateur à Glénat, fils de Guillaume Desnier et de Marie Papereux. Joseph est veuf. Lors de son premier mariage, il était métayer au domaine de la Garde. Il meurt le 18 octobre 1855 à l’âge de 69 ans.

Quintienne décèdera à Glénat le 24 novembre 1886, à l’âge de 78 ans. Elle n’a pas eu d’enfants.

À LA MÉMOIRE DE DEUX HOMMES DE SA VIE

L’édification de cette croix est, bien entendu, un acte religieux. Les croyants souhaitent ainsi demander pardon pour leurs péchés et se repentir. Mais, en 1883, date de pose de la croix, Quintienne Soulier était âgée (75 ans) et elle voulait aussi certainement marquer dans la pierre les noms des deux hommes de sa vie, son père et son mari. Une autre Saint-Valentin !

Cet acte est aussi symbolique pour elle. Fille de tailleur de pierre de Chaptuzat, c’est dans cette même pierre  que leurs noms sont gravés pour l’éternité.

Texte et photos : Sparsae
Vendredi 12 février 2021